Naissance a domicile le 13/01/10
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Naissance a domicile le 13/01/10
J'ai lu des dizaines de récit d'accouchement. Plus particulièrement ceux des naissances à domicile. Mais rien ne me préparait à ce que j'allais vivre. Il est une chose de se persuader qu'on est capable de faire quelque chose tout seul, il en est une autre d'y arriver effectivement...
Après une grossesse riche en rebondissements sur la santé supposée de notre enfant, nous attendons avec impatience le jour où il se décidera à venir au monde. Nous avons choisi d'accueillir ce deuxième bébé dans notre foyer bien avant que je ne tombe enceinte. Bien que tout ce soit bien passé pour Louane, je sais maintenant ce que je désire et ce dont je ne veux absolument pas et qui n'est pas justifiable médicalement parlant pour mon bébé et moi même. Pas de suivi de grossesse ultra médicalisé (la grossesse n'est pas une pathologie) avec un gynécologue, pas de geste invasif non consenti, pas de mise à l'écart de la principale concernée (c'est à dire moi) par un personnel médical qui effectue des gestes routiniers venus d'un protocole obsolète ou d'un chef de service qui pense que la formation continue est inutile. Durant ces neuf mois, aucun étranger ne m'a vu nue ni n'a inspecté mon intimité pour y recueillir des informations inutiles au bon déroulement de ma grossesse. Nous avons choisi une sage femme pour nous accompagner et lui avons ouvert la porte de notre histoire pour qu'elle nous assiste lors de cet événement si personnel et intime. Elle a toujours su trouver sa place pour nous laisser vivre ces instants si précieux sans jamais s'imposer. Selon moi, c'est la clef d'une naissance respectée. Les évènements ont eu lieu il y a à peine deux semaines et déjà les souvenirs s'étiolent, ne laissant qu'une agréable routine s'installer. J'espère ne rien oublier.
Depuis quelques jours, je constate que mon col se modifie en m'examinant sous la douche. J'en fais part à Patrick qui bien que paraissant serein jusqu'à présent, commence à appréhender les choses. Pas sur l'accouchement en lui même mais sur ce que sera notre vie à quatre, sur le bon comportement à adopter avec ce deuxième enfant et l'éventuel sentiment de rejet que Louane pourrait ressentir, sur sa capacité à aimer autant un autre enfant.... J'essaie de le rassurer mais en y réfléchissant à mon tour, je commence à avoir peur moi aussi et à avoir la sensation de trahir Louane en lui imposant ce bébé. Ma petite fille n'est encore qu'un bébé pour moi et je ne veux pas qu'elle puisse s'imaginer ne serait-ce qu'une seconde qu'on l'aime moins qu'avant.... Mais tout ça ce sont des peurs d'adultes...
Nous sommes mardi 12 janvier. Encore au moins 6 jours avant la date que j'ai calculé avec mes cycles. La journée passe et je commence à ressentir des contractions qui deviennent douloureuses. D'abord une douleur diffuse dans le bas ventre qui irradie ensuite vers les reins en même temps que mon ventre se durçit. Encore une fois, j'accoucherai par les reins.... C'est cette douleur insoutenable qui m'avait fait demander la péridurale pour Louane...
Ces contractions ne sont pas régulières et ne sont pas encore assez rapprochées selon moi. Je demande à Patrick qu'on en profite pour aller se promener avec Louane pour qu'elle profite des derniers moments où elle est seule mais je ne me souviens plus où nous sommes allé. La soirée arrive et les contractions se rapprochent et deviennent un peu plus douloureuses. Je vais me doucher et je perds le bouchon muqueux. Ca y est, ça a commencé. Je le dis à Patrick qui commence à angoisser pour de bon. Je le rassure en lui disant que lui n'aura rien à faire. Il devra juste être là, me soutenir et m'apporter les choses dont je pourrais avoir besoin quand je lui demanderais. Dans mon esprit, je suis sereine et je me dis que je n'aurais besoin de personne pour faire venir ce bébé au monde. J'imagine que je serai dans ma bulle, seule dans ma chambre, avec le besoin de cette solitude pendant que ma Sage femme et mon mari seraient dans le salon à attendre. Curieusement, Patrick a la même vision des choses comme il me l'a dit un peu plus tard. Lui se voyait tout seul dans le salon devant son ordinateur pendant que Geneviève s'occuperait de tout ! Mais nous n'en sommes pas encore là. Nous mettons Louane au lit et je me dis que c'est certainement pour cette nuit vu que le travail est généralement plus rapide pour un second. Pour ma loulette, j'ai perdu les eaux à 03h00 du matin et j'ai accouché le lendemain à 01h36 avec des contractions qui sont venues spontanément et qui ont progressivement augmenté en intensité. Je me mets donc au lit, devant la télé avec qqch à lire pendant que Patrick reste dans le salon. Il vient ensuite me prendre en photo en se marrant et en me demandant d'attendre demain matin pour accoucher parce qu'il veut dormir.
Je le renvoie dans le salon et les contractions continuent toutes les 6 ou 7 minutes mais ne sont pas régulières. Je gère très bien et je n'ai pas encore le besoin de changer de position pour me soulager.
Patrick vient se coucher et s'endort rapidement comme à son habitude. Les contractions commencent à être désagréables et je me mets à 4 pattes dans le lit pour les faire passer. Ne voulant pas le réveiller, à minuit je me lève, prends mon Ipod que j'avais chargé pour l'occasion et je vais dans le salon. Je ferme la porte, et la musique dans les oreilles je me colle le dos sur le radiateur pour faire passer la douleur. Ca n'est pas très efficace et je cherche constamment une nouvelle position qui me soulagerait. Tantôt sur le canapé, tantôt debout, tantôt par terre mais rien n'y fait. Je suis fatiguée et moi qui voulais que ce bébé naisse de nuit, je lui demande de me laisser dormir pour recommencer demain matin ! En repensant à ce qu'il s'est passé il y a trois ans, je me dis que j'aimerais rester connectée avec mon bébé durant l'accouchement mais je n'y suis pas parvenue. Je n'ai même jamais vraiment parlé à ce bébé avant sa naissance. Je lui parlais dans ma tête. Parler à mon ventre ne me venait pas du tout. Je décide d'allumer mon ordinateur pour passer le temps en surfant. Je reste debout derrière le fauteuil et je me mets sur le forum de mes amies. Je sais qu'au Canada et aux USA, il n'est pas encore l'heure de dormir et qu'il est possible de discuter avec deux de mes amies. Isa et Delphine répondent présent et m'aideront bcp à passer la nuit en discutant avec moi et en me faisant rire. Entre leurs messages et pendant les contractions, je chante à tue-tête et je danse sur le rythme de la musique. J'ai besoin de vocaliser sur la douleur, ça me permets de penser à autre chose. J'ouvre le rideau du salon et je constate qu'il a neigé. La route est toute blanche et deux bons cm de poudreuse recouvrent les trottoirs. Ca me remplie de joie vu que je voulais qu'il neige pour la naissance et je ne m'en fait pas trop pour l'état des routes même si mes amies transatlantiques me demandent comment ma sage femme va faire pour venir. De toute façon, je n'imagine pas une seconde l'appeler maintenant. Je gère la douleur qui n'est pas trop forte et si le bébé doit sortir à l'instant, je saurai le mettre au monde toute seule.... Je suis bien dans ma bulle avec ma musique. Vers 4h je me décide à me faire couler un bain puisqu'il paraît que ça soulage lors des contractions. Je fais attention à ne pas réveiller mes amours qui dorment juste à côté et me glisse dans l'eau bien chaude. Mon ventre n'est pas complètement immergé et les contractions ralentissent. Je ne ressens aucun soulagement et étonnement, j'ai l'impression que le temps est plus long que lorsque j'étais debout. Je ne reste qu'une petite demie heure dans l'eau et je retourne à ma musique dans le salon. Patrick se réveille vers 5h00 et vient me demander si ça va. Je le renvoie se coucher lui disant que j'ai besoin d'être seule mais il n'arrivera pas à se rendormir. A 6h00, il est l'heure pour mes transatlantiques d'aller se coucher et elles éteignent leur ordinateur en espérant avoir une bonne nouvelle dès leur réveil. Elles m'encouragent avant de rejoindre leur lit respectif. Moi je me couche à même le sol, la tête dans les bras et essayant de penser à autre chose quand la douleur arrive. Depuis 2h du matin, les contractions se produisent à environ 5 minutes d'intervalles. La fatigue commence à vraiment se faire sentir et en m'examinant je constate que mon col ne s'ouvre pas beaucoup. Je dois être à deux lorsque je décide de me mettre au lit à 7h et de voir si j'arrive à dormir entre deux ondes de douleurs. Je m'allonge sur le côté et Patrick pose sa main sur mes reins. La chaleur me fait du bien. J'attrape sa main et la serre dès que je sens mon ventre durcir. La sensation s'amplifie petit à petit et j'espère de tout mon coeur que ce n'est pas un faux travail, que je ne souffre pas en vain.
J'attends 8h avec impatience pour que Louane se réveille. Nous décidons de la mettre chez sa nounou pour la journée puisqu'il n'y a pas d'école le mercredi, contrairement à ce que je souhaitais au départ. Elle y sera mieux qu'à la maison où je ne pourrais pas m'occuper d'elle et je ne me sens pas la force après cette nuit blanche de supporter le moindre jeu d'un bout de chou de 3 ans plein de vie.
Patrick appelle donc Nicole qui accepte tout de suite de la garder. Louane n'a pas trop envie de partir mais nous lui expliquons qu'elle pourra jouer avec tous les enfants et elle accepte de partir. Une fois le sac préparé, je lui fais un énorme câlin et je laisse partir ma GRANDE fille avec son papa. J'espère qu'il va vite revenir et j'en profite pour sortir tout ce que j'avais préparé pour le jour J : les serviettes neuves à mettre sur le radiateur, les protections pour le lit, le petit ensemble spécialement acheté pour la naissance, le chauffage d'appoint, les compresses, les abricots secs pour le travail....
Je débarasse également mon bureau pour y poser le matelas à langer et passe rapidement l'aspirateur dans la chambre entre deux contractions pour que tout soit propre. Quand j'ai fini je m'assoie sur mon ballon et je souffle doucement quand la douleur arrive. Patrick revient, il est 10h00 et l'attente à deux commence. Je m'allonge sur le lit avec le livre de Julie Bonapace sur l'accouchement sans douleur. Nous essayons divers points de compression sensés soulager durant les contractions mais ça n'est pas très efficace. Finalement je referme le livre et dès que je sens la vague arriver, je me lève et je demande à Patrick de se mettre derrière moi, une jambe fléchie en avant. J'appuie le bas de mon bassin sur sa jambe en m'arcboutant de toute mes forces soit au mur, soit au lit. Il doit supporter mon poids et la force que je mets à m'appuyer à chaque contraction. Je suis obligée de souffler de plus en plus fort. Patrick me demande s'il peut apporter son ordinateur dans la chambre pour passer le temps et on arrivera à plaisanter en lisant les nouvelles entre chaque contraction. J'ai besoin qu'il soit là contrairement à tout ce que j'avais imaginé. La chaleur de ses mains que je guide en lui disant quoi faire, son souffle chaud dans mon cou ainsi que ses petits bisous me sont d'un grand secours. JE n'aurais pas pu faire tout ça sans sa présence constante.
Il est 11h00 et nous décidons d'appeler Geneviève pour lui dire où en est le travail. Elle ne répond ni sur son portable ni chez elle, ni au cabinet. Je sens que Patrick s'inquiète et lui dit de laisser un message. Je ne m'inquiète pas, pensant qu'elle devait être en rendez vous ou autre. Elle nous rappelle peu de temps après. Elle était en train de donner un cours d'accouchement et en a encore pour une demie heure. Elle demande si je peux parler et je prends le téléphone. Elle m'explique qu'elle a ensuite ¾ d'heure de cours de relaxation mais qu'elle rappellera avant pour savoir où ça en est, sachant que malgré les 18 km qui nous séparent, elle en a pour une heure avant d'arriver. Je sens que je peux gérer et je raccroche.
Les contractions s'accélèrent toutes les 3 – 4 minutes ainsi que leur intensité. Je demande à Patrick de ranger l'ordinateur pour pouvoir réagir dès que je le sollicite. La douleur atteint le niveau où j'avais perdu pied pour Louane et demandé la péridurale mais le découragement s'installe quand je constate que mon col ne s'est pas bcp ouvert depuis la dernière fois. Patrick m'encourage du mieux qu'il peut alors qu'il ne pense qu'à l'arrivée prochaine de notre sage femme. Me voir souffrir sans pouvoir faire grand chose doit être très déstabilisant.... 11h45, Geneviève rappelle et Patrick lui dit que le travail s'est accéléré. Je pense pouvoir continuer à gérer toute seule mais elle décide d'annuler son cours de relaxation et de prendre la route. Elle devrait être là dans une heure. Pour Patrick c'est un soulagement et au fil des minutes qui passent j'attends avec impatience que la grande aiguille de l'horloge se place sur le 9. Je commence à pousser des sons lors des contractions. Des sons un peu trop aigus me dira Geneviève plus tard mais je ne peux pas m'en empêcher. Patrick se fait cuire des oeufs dans la cuisine qu'il n'aura pas le temps de manger et accoure dès que je l'appelle. Il est obligé de se tenir à tout ce qui lui tombe sous la main pour soutenir mon poids quand je pousse sur sa jambe. Mes reins ne sont plus que douleur et je ne sais plus quoi faire pour me soulager. A un moment je fond en larmes tellement j'ai mal. Je me dit que tout ira mieux quand ma SF arrivera tout en sachant qu'elle ne m'administrera aucun antalgique !
Il est presque 13h00 quand il voit arriver Geneviève. Il descend vite la chercher tandis que je m'agrippe à la table du salon quand la vague me submerge. A peine le temps d'ouvrir la porte d'entrée que je lui demande de se remettre derrière moi dans la position habituelle. Je vocalise mais j'ai tellement mal !! Ca y est la vague reflue et je peux prendre le temps d'embrasser Geneviève. La contraction suivante nous prend de vitesse et Patrick n'a pas le temps d'arriver. C'est Geneviève qui prendra la position adéquate tout en douceur pour m'accompagner. Elle écoutera ensuite le coeur du bébé et constatera qu'il est déjà bien bas. Patrick et elle préparent le lit parce que nous avons décidé que ça se passerait dans la chambre. J'ai du mal à quitter mon salon et l'appui de la table mais je rejoins quand même la chambre. Geneviève me dit de penser à ce que je porte (pantalon et pull) pour l'arrivée du bébé et Patrick me donne un de ses tee shirt que je porterai à même la peau.
Bizarrement aucune pudeur ne me bloque alors que je trouve mon corps assez laid. Les kilos de la grossesse assortis de cellulite me complexent depuis des mois et je me cache même à l'homme que j'aime. Je pense à ce moment que je suis nue en bas de la ceinture, à quatre pattes sur mon lit, ondulant mon bassin mais que je ne trouve pas la situation incongrue. Geneviève à installer le ballon sur le lit en me disant d'essayer en m'appuyant dessus. La position me soulage entre les contractions mais j'ai besoin qu'on m'appuie sur le bas du dos quand la douleur arrive. J'appelle Patrick pour qu'il se mette en face de moi. Je lui attrape les mains et les serre à lui briser. Je me rends compte que je lui fais mal et lui demande pardon quand ça s'arrête. Je commence à ne plus supporter cette douleur qui revient toutes les 3 minutes inlassablement. J'ai peur de pas y arriver et je commence à regretter d'avoir fait ce choix. Mais au fond de moi, je sais que c'est mieux. Je dis à Patrick qu'on a conçu cet enfant à deux et qu'on le sortira à deux ! Geneviève qui a mis sa blouse reste présente mais se fait tellement discrète que je peux apprécier l'intimité avec mon mari. Voyant qu'elle était « inutile » à ce moment là elle demande à Patrick si elle pourrait manger qqch et Patrick lui indique la cuisine en lui disant de faire comme chez elle. Nous restons seuls tous les deux. Patrick souffle avec moi tandis que je suis dans ses bras et que la douleur me coupe le souffle, il me dit que ce que je fais est très bien et ça me remonte le moral. Je commence à crier pendant les contractions tout en cherchant des positions qui me soulageraient mais en vain. Tantôt accrochée au cou de Patrick, tantôt agrippée aux montants de la porte, lui derrière moi et moi poussant pour tenter d'apaiser cette douleur va me rendre folle....
Je perds pied petit à petit et la panique m'envahit accentuant encore plus cette douleur. Geneviève a compris que j'avais besoin qu'on me remette dans le droit chemin. Elle me demande de pousser des sons plus bas, pour faire descendre le bébé. Elle a constaté que je me mettais sur la pointe des pieds pendant la contraction comme si je refusais qu'il descende, tout comme je refuse la douleur. Elle me dit d'accepter de lâcher prise à tout ça et j'essaie de lui obéir en criant à mon bébé de descendre pendant la contraction. J'essaie d'être courageuse mais les larmes coulent toutes seules sur mes joues. Je souffre, je n'en peux plus, je veux que ça s'arrête. Je n'arrête pas de dire que je n'y arriverai pas entre les hurlements de louve que je pousse. L'intensité et la violence de l'instant me coupe le souffle, je me sens faible et incapable de faire cette chose si naturelle.
Geneviève me demande si je veux qu'elle m'examine. J'accepte en espérant avoir un résultat encourageant. Il est 14h et elle me dit que je suis à 6 et que j'ai fait le plus dur déjà. Le soulagement m'envahit quelques secondes avant de penser que j'en ai encore pour plusieurs heures et qu'une nouvelle contraction me cloue de douleur. Patrick me soutient, me retient dans ses bras, pendant que je hurle ma douleur tout comme des millions de femmes avant moi. Je hurle que j'ai mal, que ça n'arrêtera pas. Je demande à Patrick que ça s'arrête mais il ne peut que me dire que ça va aller.... J'ai l'impression que la douleur n'en finit pas, que je n'ai aucun répit et je perds pied définitivement. Je hurle « au secours »..... Geneviève me dit qqch pour me secouer et j'essaie de l'écouter mais mon cerveau est déconnecté de la vie réelle.
Je sais que je suis debout, que Patrick me soutien et que je me laisse pendre de ses bras quand du fond de ma douleur je sens une poussée réflexe. La poussée que j'attendais depuis des heures et qui soit-disant serait soulagée si on l'accompagnait. A travers mes cris je parviens à articuler que ça pousse. Geneviève me dit de pousser aussi et j'essaie tant bien que mal. Immédiatement après une autre contraction et cette poussée totalement incontrôlée. Je continue à crier que ça pousse et Geneviève se précipite à mes côtés. Je pousse en même temps mais je n'arrive pas à le faire correctement, j'ai tellement mal. Geneviève me dit d'arrêter, que je suis en train de forcer sur le col. Je regarde alors le sol et je vois des gouttes de sang. J'ai peur et je le dis. J'ai peur de m'être vraiment fait mal et de devoir aller à l'hôpital, d'avoir poussé alors qu'il était trop tôt et d'avoir fait mal au bébé. Je dis que j'ai peur et Geneviève me demande si elle a l'air inquiète.... Ca me rassure un peu et j'obéis quand elle me dit de m'allonger pour pouvoir pousser. Elle me dit de m'allonger sur le côté droit. Je ne comprends pas pourquoi à droite alors qu'on m'a toujours dit de le faire du côté gauche pour que le bébé soit bien oxygéné. Elle me réponds que c'est parce que le bébé a le dos à gauche. Je ne comprends pas pourquoi mais j'obéis tout de même. Patrick est derrière moi et je tiens ses mains je crois.... Je plonge ma tête contre sa poitrine pendant la contraction en criant et en poussant. Geneviève me dit que je dois attraper ma jambe et la bloquer pendant la poussée.
La douleur est insoutenable et j'ai du mal à accepter la sensation de mon corps qui agit tout seul. Je sens la descente du bébé dans mon vagin et Geneviève profite d'un répit de quelques secondes pour me faire toucher la tête qui est à fleur de la vulve. La poche des eaux est toujours intacte. Encore une contraction et je pousse en criant, Geneviève m'aide en perçant la poche et un soulagement immédiat me fait pousser encore plus. Ca y est la tête est passée. La contraction suivante est déjà là et je pousse une dernière fois, tu es là mon bébé. Il est 14h36. Je prends mon bébé sur mon ventre, soulève mon tee shirt et je ne peux empêcher ce cri du coeur : « mon bébé, je t'aime, mon bébé je t'aime... ».... Je m'aperçoit qu'il me fait pipi dessus et j'en profite pour regarder entre ses jambes. C'est merveilleux, c'est une petite fille, enfin je crois.... Patrick fond en larme quand je le dis. Il aura été merveilleux jusqu'au bout. Je répète à nouveau mais avec un léger changement : « je t'aime ma Naïs »... Je ne sais pas à quel moment Geneviève s'est éclipsée pour nous laisser tous les trois mais le moment est merveilleux. Le temps est comme suspendu.... Elle revient ensuite pour clamper le cordon et faire un prélèvement dessus pour connaître le rhésus de notre fille. Comme je saigne pas mal et qu'elle ne veut courir aucun risque elle me demande de pousser pour la délivrance. Je pousse à peine et je le placenta sortir à son tour. Il est entier, aucun problème. Je sens que pas mal de sang s'écoule quand même et je commence à trembler malgré le chauffage d'appoint branché. La tension retombe et me laisse faible dans l'euphorie du moment. Geneviève vérifie que je n'ai pas besoin de point de suture et constate juste une petite déchirure sur le col de l'utérus, rien qui ne nécessite une intervention. Naïs a du mal à téter et Geneviève me demande si elle peut en profiter pour l'examiner et la mesurer et j'accepte. Elle la prends dans ses bras, regarde si tout va bien, la pèse, et la mesure avec l'aide de son papa et tout ça sous mes yeux, sur le bureau où encore deux jours auparavant je scrappais.... Verdict, 50,5 cm pour 3kg370. Un plus petit gabarit que sa grande soeur mais un bébé tout à fait normal. Toutes les angoisses de la grossesse se sont envolées. Elle me rend mon bébé et va dans le salon remplir les papiers. Nous restons à trois à faire connaissance.... Elle revient me propose soit de me laver, soit que j'aille me prendre une douche. J'accepte la douche avec reconnaissance et Patrick est alors contraint de prendre sa fille dans les bras malgré sa crainte de la casser.
Quand je reviens je trouve le lit fait qui m'attend et je m'allonge avec plaisir. Je reprends Naïs dans les bras et elle trouve enfin le sein. Elle tête goulument pendant de longues minutes. Patrick va chercher notre Louane qui découvre sa « tite soeur » avec une grande joie. Elle veut la couvrir de baisers et de câlins. Mes deux filles sur mon lit avec moi, je suis heureuse.... Geneviève s'éclipsera peu après. La vie à 4 commence.
Si je dois faire un bilan de cette expérience je dois d'abord remercier mon mari sans qui je n'aurais jamais pu aller au bout. Nous nous sommes lancé dans l'aventure sans aucune réelle préparation et la violence de l'évènement nous a submergé. Il est resté fort à tout les moments et j'ai pu vraiment m'appuyer sur lui tant physiquement que moralement quand je me suis effondrée. Il ne regrette pas du tout d'avoir accepté cet aad bien qu'il n'imaginait pas une seconde que ça se passerait ainsi, qu'il me découvrirait totalement « nue », débarassée de toute retenue... Il a été vraiment acteur de cette naissance et selon moi, cette expérience l'a grandi. Je dois également remercier Geneviève ma sage femme qui a su nous accompagner sans jamais s'imposer. Elle a toujours su quoi faire et quand le faire de façon instinctive. Elle a été parfaite. Je dois également remercier toutes les femmes qui se battent pour qu 'on puisse mettre nos enfants au monde dans les meilleures conditions et toutes celles dont j'ai lu les récits et qui m'ont convaincues d'accoucher chez moi.
Je suis fière de ce que j'ai fait. Je me sens pleinement femme et capable maintenant d'abattre des montagnes. J'ai également découvert mes limites et accepté d'avoir besoin des autres parfois.
Nine
Témoignage recueilli par VIRGINIE
Après une grossesse riche en rebondissements sur la santé supposée de notre enfant, nous attendons avec impatience le jour où il se décidera à venir au monde. Nous avons choisi d'accueillir ce deuxième bébé dans notre foyer bien avant que je ne tombe enceinte. Bien que tout ce soit bien passé pour Louane, je sais maintenant ce que je désire et ce dont je ne veux absolument pas et qui n'est pas justifiable médicalement parlant pour mon bébé et moi même. Pas de suivi de grossesse ultra médicalisé (la grossesse n'est pas une pathologie) avec un gynécologue, pas de geste invasif non consenti, pas de mise à l'écart de la principale concernée (c'est à dire moi) par un personnel médical qui effectue des gestes routiniers venus d'un protocole obsolète ou d'un chef de service qui pense que la formation continue est inutile. Durant ces neuf mois, aucun étranger ne m'a vu nue ni n'a inspecté mon intimité pour y recueillir des informations inutiles au bon déroulement de ma grossesse. Nous avons choisi une sage femme pour nous accompagner et lui avons ouvert la porte de notre histoire pour qu'elle nous assiste lors de cet événement si personnel et intime. Elle a toujours su trouver sa place pour nous laisser vivre ces instants si précieux sans jamais s'imposer. Selon moi, c'est la clef d'une naissance respectée. Les évènements ont eu lieu il y a à peine deux semaines et déjà les souvenirs s'étiolent, ne laissant qu'une agréable routine s'installer. J'espère ne rien oublier.
Depuis quelques jours, je constate que mon col se modifie en m'examinant sous la douche. J'en fais part à Patrick qui bien que paraissant serein jusqu'à présent, commence à appréhender les choses. Pas sur l'accouchement en lui même mais sur ce que sera notre vie à quatre, sur le bon comportement à adopter avec ce deuxième enfant et l'éventuel sentiment de rejet que Louane pourrait ressentir, sur sa capacité à aimer autant un autre enfant.... J'essaie de le rassurer mais en y réfléchissant à mon tour, je commence à avoir peur moi aussi et à avoir la sensation de trahir Louane en lui imposant ce bébé. Ma petite fille n'est encore qu'un bébé pour moi et je ne veux pas qu'elle puisse s'imaginer ne serait-ce qu'une seconde qu'on l'aime moins qu'avant.... Mais tout ça ce sont des peurs d'adultes...
Nous sommes mardi 12 janvier. Encore au moins 6 jours avant la date que j'ai calculé avec mes cycles. La journée passe et je commence à ressentir des contractions qui deviennent douloureuses. D'abord une douleur diffuse dans le bas ventre qui irradie ensuite vers les reins en même temps que mon ventre se durçit. Encore une fois, j'accoucherai par les reins.... C'est cette douleur insoutenable qui m'avait fait demander la péridurale pour Louane...
Ces contractions ne sont pas régulières et ne sont pas encore assez rapprochées selon moi. Je demande à Patrick qu'on en profite pour aller se promener avec Louane pour qu'elle profite des derniers moments où elle est seule mais je ne me souviens plus où nous sommes allé. La soirée arrive et les contractions se rapprochent et deviennent un peu plus douloureuses. Je vais me doucher et je perds le bouchon muqueux. Ca y est, ça a commencé. Je le dis à Patrick qui commence à angoisser pour de bon. Je le rassure en lui disant que lui n'aura rien à faire. Il devra juste être là, me soutenir et m'apporter les choses dont je pourrais avoir besoin quand je lui demanderais. Dans mon esprit, je suis sereine et je me dis que je n'aurais besoin de personne pour faire venir ce bébé au monde. J'imagine que je serai dans ma bulle, seule dans ma chambre, avec le besoin de cette solitude pendant que ma Sage femme et mon mari seraient dans le salon à attendre. Curieusement, Patrick a la même vision des choses comme il me l'a dit un peu plus tard. Lui se voyait tout seul dans le salon devant son ordinateur pendant que Geneviève s'occuperait de tout ! Mais nous n'en sommes pas encore là. Nous mettons Louane au lit et je me dis que c'est certainement pour cette nuit vu que le travail est généralement plus rapide pour un second. Pour ma loulette, j'ai perdu les eaux à 03h00 du matin et j'ai accouché le lendemain à 01h36 avec des contractions qui sont venues spontanément et qui ont progressivement augmenté en intensité. Je me mets donc au lit, devant la télé avec qqch à lire pendant que Patrick reste dans le salon. Il vient ensuite me prendre en photo en se marrant et en me demandant d'attendre demain matin pour accoucher parce qu'il veut dormir.
Je le renvoie dans le salon et les contractions continuent toutes les 6 ou 7 minutes mais ne sont pas régulières. Je gère très bien et je n'ai pas encore le besoin de changer de position pour me soulager.
Patrick vient se coucher et s'endort rapidement comme à son habitude. Les contractions commencent à être désagréables et je me mets à 4 pattes dans le lit pour les faire passer. Ne voulant pas le réveiller, à minuit je me lève, prends mon Ipod que j'avais chargé pour l'occasion et je vais dans le salon. Je ferme la porte, et la musique dans les oreilles je me colle le dos sur le radiateur pour faire passer la douleur. Ca n'est pas très efficace et je cherche constamment une nouvelle position qui me soulagerait. Tantôt sur le canapé, tantôt debout, tantôt par terre mais rien n'y fait. Je suis fatiguée et moi qui voulais que ce bébé naisse de nuit, je lui demande de me laisser dormir pour recommencer demain matin ! En repensant à ce qu'il s'est passé il y a trois ans, je me dis que j'aimerais rester connectée avec mon bébé durant l'accouchement mais je n'y suis pas parvenue. Je n'ai même jamais vraiment parlé à ce bébé avant sa naissance. Je lui parlais dans ma tête. Parler à mon ventre ne me venait pas du tout. Je décide d'allumer mon ordinateur pour passer le temps en surfant. Je reste debout derrière le fauteuil et je me mets sur le forum de mes amies. Je sais qu'au Canada et aux USA, il n'est pas encore l'heure de dormir et qu'il est possible de discuter avec deux de mes amies. Isa et Delphine répondent présent et m'aideront bcp à passer la nuit en discutant avec moi et en me faisant rire. Entre leurs messages et pendant les contractions, je chante à tue-tête et je danse sur le rythme de la musique. J'ai besoin de vocaliser sur la douleur, ça me permets de penser à autre chose. J'ouvre le rideau du salon et je constate qu'il a neigé. La route est toute blanche et deux bons cm de poudreuse recouvrent les trottoirs. Ca me remplie de joie vu que je voulais qu'il neige pour la naissance et je ne m'en fait pas trop pour l'état des routes même si mes amies transatlantiques me demandent comment ma sage femme va faire pour venir. De toute façon, je n'imagine pas une seconde l'appeler maintenant. Je gère la douleur qui n'est pas trop forte et si le bébé doit sortir à l'instant, je saurai le mettre au monde toute seule.... Je suis bien dans ma bulle avec ma musique. Vers 4h je me décide à me faire couler un bain puisqu'il paraît que ça soulage lors des contractions. Je fais attention à ne pas réveiller mes amours qui dorment juste à côté et me glisse dans l'eau bien chaude. Mon ventre n'est pas complètement immergé et les contractions ralentissent. Je ne ressens aucun soulagement et étonnement, j'ai l'impression que le temps est plus long que lorsque j'étais debout. Je ne reste qu'une petite demie heure dans l'eau et je retourne à ma musique dans le salon. Patrick se réveille vers 5h00 et vient me demander si ça va. Je le renvoie se coucher lui disant que j'ai besoin d'être seule mais il n'arrivera pas à se rendormir. A 6h00, il est l'heure pour mes transatlantiques d'aller se coucher et elles éteignent leur ordinateur en espérant avoir une bonne nouvelle dès leur réveil. Elles m'encouragent avant de rejoindre leur lit respectif. Moi je me couche à même le sol, la tête dans les bras et essayant de penser à autre chose quand la douleur arrive. Depuis 2h du matin, les contractions se produisent à environ 5 minutes d'intervalles. La fatigue commence à vraiment se faire sentir et en m'examinant je constate que mon col ne s'ouvre pas beaucoup. Je dois être à deux lorsque je décide de me mettre au lit à 7h et de voir si j'arrive à dormir entre deux ondes de douleurs. Je m'allonge sur le côté et Patrick pose sa main sur mes reins. La chaleur me fait du bien. J'attrape sa main et la serre dès que je sens mon ventre durcir. La sensation s'amplifie petit à petit et j'espère de tout mon coeur que ce n'est pas un faux travail, que je ne souffre pas en vain.
J'attends 8h avec impatience pour que Louane se réveille. Nous décidons de la mettre chez sa nounou pour la journée puisqu'il n'y a pas d'école le mercredi, contrairement à ce que je souhaitais au départ. Elle y sera mieux qu'à la maison où je ne pourrais pas m'occuper d'elle et je ne me sens pas la force après cette nuit blanche de supporter le moindre jeu d'un bout de chou de 3 ans plein de vie.
Patrick appelle donc Nicole qui accepte tout de suite de la garder. Louane n'a pas trop envie de partir mais nous lui expliquons qu'elle pourra jouer avec tous les enfants et elle accepte de partir. Une fois le sac préparé, je lui fais un énorme câlin et je laisse partir ma GRANDE fille avec son papa. J'espère qu'il va vite revenir et j'en profite pour sortir tout ce que j'avais préparé pour le jour J : les serviettes neuves à mettre sur le radiateur, les protections pour le lit, le petit ensemble spécialement acheté pour la naissance, le chauffage d'appoint, les compresses, les abricots secs pour le travail....
Je débarasse également mon bureau pour y poser le matelas à langer et passe rapidement l'aspirateur dans la chambre entre deux contractions pour que tout soit propre. Quand j'ai fini je m'assoie sur mon ballon et je souffle doucement quand la douleur arrive. Patrick revient, il est 10h00 et l'attente à deux commence. Je m'allonge sur le lit avec le livre de Julie Bonapace sur l'accouchement sans douleur. Nous essayons divers points de compression sensés soulager durant les contractions mais ça n'est pas très efficace. Finalement je referme le livre et dès que je sens la vague arriver, je me lève et je demande à Patrick de se mettre derrière moi, une jambe fléchie en avant. J'appuie le bas de mon bassin sur sa jambe en m'arcboutant de toute mes forces soit au mur, soit au lit. Il doit supporter mon poids et la force que je mets à m'appuyer à chaque contraction. Je suis obligée de souffler de plus en plus fort. Patrick me demande s'il peut apporter son ordinateur dans la chambre pour passer le temps et on arrivera à plaisanter en lisant les nouvelles entre chaque contraction. J'ai besoin qu'il soit là contrairement à tout ce que j'avais imaginé. La chaleur de ses mains que je guide en lui disant quoi faire, son souffle chaud dans mon cou ainsi que ses petits bisous me sont d'un grand secours. JE n'aurais pas pu faire tout ça sans sa présence constante.
Il est 11h00 et nous décidons d'appeler Geneviève pour lui dire où en est le travail. Elle ne répond ni sur son portable ni chez elle, ni au cabinet. Je sens que Patrick s'inquiète et lui dit de laisser un message. Je ne m'inquiète pas, pensant qu'elle devait être en rendez vous ou autre. Elle nous rappelle peu de temps après. Elle était en train de donner un cours d'accouchement et en a encore pour une demie heure. Elle demande si je peux parler et je prends le téléphone. Elle m'explique qu'elle a ensuite ¾ d'heure de cours de relaxation mais qu'elle rappellera avant pour savoir où ça en est, sachant que malgré les 18 km qui nous séparent, elle en a pour une heure avant d'arriver. Je sens que je peux gérer et je raccroche.
Les contractions s'accélèrent toutes les 3 – 4 minutes ainsi que leur intensité. Je demande à Patrick de ranger l'ordinateur pour pouvoir réagir dès que je le sollicite. La douleur atteint le niveau où j'avais perdu pied pour Louane et demandé la péridurale mais le découragement s'installe quand je constate que mon col ne s'est pas bcp ouvert depuis la dernière fois. Patrick m'encourage du mieux qu'il peut alors qu'il ne pense qu'à l'arrivée prochaine de notre sage femme. Me voir souffrir sans pouvoir faire grand chose doit être très déstabilisant.... 11h45, Geneviève rappelle et Patrick lui dit que le travail s'est accéléré. Je pense pouvoir continuer à gérer toute seule mais elle décide d'annuler son cours de relaxation et de prendre la route. Elle devrait être là dans une heure. Pour Patrick c'est un soulagement et au fil des minutes qui passent j'attends avec impatience que la grande aiguille de l'horloge se place sur le 9. Je commence à pousser des sons lors des contractions. Des sons un peu trop aigus me dira Geneviève plus tard mais je ne peux pas m'en empêcher. Patrick se fait cuire des oeufs dans la cuisine qu'il n'aura pas le temps de manger et accoure dès que je l'appelle. Il est obligé de se tenir à tout ce qui lui tombe sous la main pour soutenir mon poids quand je pousse sur sa jambe. Mes reins ne sont plus que douleur et je ne sais plus quoi faire pour me soulager. A un moment je fond en larmes tellement j'ai mal. Je me dit que tout ira mieux quand ma SF arrivera tout en sachant qu'elle ne m'administrera aucun antalgique !
Il est presque 13h00 quand il voit arriver Geneviève. Il descend vite la chercher tandis que je m'agrippe à la table du salon quand la vague me submerge. A peine le temps d'ouvrir la porte d'entrée que je lui demande de se remettre derrière moi dans la position habituelle. Je vocalise mais j'ai tellement mal !! Ca y est la vague reflue et je peux prendre le temps d'embrasser Geneviève. La contraction suivante nous prend de vitesse et Patrick n'a pas le temps d'arriver. C'est Geneviève qui prendra la position adéquate tout en douceur pour m'accompagner. Elle écoutera ensuite le coeur du bébé et constatera qu'il est déjà bien bas. Patrick et elle préparent le lit parce que nous avons décidé que ça se passerait dans la chambre. J'ai du mal à quitter mon salon et l'appui de la table mais je rejoins quand même la chambre. Geneviève me dit de penser à ce que je porte (pantalon et pull) pour l'arrivée du bébé et Patrick me donne un de ses tee shirt que je porterai à même la peau.
Bizarrement aucune pudeur ne me bloque alors que je trouve mon corps assez laid. Les kilos de la grossesse assortis de cellulite me complexent depuis des mois et je me cache même à l'homme que j'aime. Je pense à ce moment que je suis nue en bas de la ceinture, à quatre pattes sur mon lit, ondulant mon bassin mais que je ne trouve pas la situation incongrue. Geneviève à installer le ballon sur le lit en me disant d'essayer en m'appuyant dessus. La position me soulage entre les contractions mais j'ai besoin qu'on m'appuie sur le bas du dos quand la douleur arrive. J'appelle Patrick pour qu'il se mette en face de moi. Je lui attrape les mains et les serre à lui briser. Je me rends compte que je lui fais mal et lui demande pardon quand ça s'arrête. Je commence à ne plus supporter cette douleur qui revient toutes les 3 minutes inlassablement. J'ai peur de pas y arriver et je commence à regretter d'avoir fait ce choix. Mais au fond de moi, je sais que c'est mieux. Je dis à Patrick qu'on a conçu cet enfant à deux et qu'on le sortira à deux ! Geneviève qui a mis sa blouse reste présente mais se fait tellement discrète que je peux apprécier l'intimité avec mon mari. Voyant qu'elle était « inutile » à ce moment là elle demande à Patrick si elle pourrait manger qqch et Patrick lui indique la cuisine en lui disant de faire comme chez elle. Nous restons seuls tous les deux. Patrick souffle avec moi tandis que je suis dans ses bras et que la douleur me coupe le souffle, il me dit que ce que je fais est très bien et ça me remonte le moral. Je commence à crier pendant les contractions tout en cherchant des positions qui me soulageraient mais en vain. Tantôt accrochée au cou de Patrick, tantôt agrippée aux montants de la porte, lui derrière moi et moi poussant pour tenter d'apaiser cette douleur va me rendre folle....
Je perds pied petit à petit et la panique m'envahit accentuant encore plus cette douleur. Geneviève a compris que j'avais besoin qu'on me remette dans le droit chemin. Elle me demande de pousser des sons plus bas, pour faire descendre le bébé. Elle a constaté que je me mettais sur la pointe des pieds pendant la contraction comme si je refusais qu'il descende, tout comme je refuse la douleur. Elle me dit d'accepter de lâcher prise à tout ça et j'essaie de lui obéir en criant à mon bébé de descendre pendant la contraction. J'essaie d'être courageuse mais les larmes coulent toutes seules sur mes joues. Je souffre, je n'en peux plus, je veux que ça s'arrête. Je n'arrête pas de dire que je n'y arriverai pas entre les hurlements de louve que je pousse. L'intensité et la violence de l'instant me coupe le souffle, je me sens faible et incapable de faire cette chose si naturelle.
Geneviève me demande si je veux qu'elle m'examine. J'accepte en espérant avoir un résultat encourageant. Il est 14h et elle me dit que je suis à 6 et que j'ai fait le plus dur déjà. Le soulagement m'envahit quelques secondes avant de penser que j'en ai encore pour plusieurs heures et qu'une nouvelle contraction me cloue de douleur. Patrick me soutient, me retient dans ses bras, pendant que je hurle ma douleur tout comme des millions de femmes avant moi. Je hurle que j'ai mal, que ça n'arrêtera pas. Je demande à Patrick que ça s'arrête mais il ne peut que me dire que ça va aller.... J'ai l'impression que la douleur n'en finit pas, que je n'ai aucun répit et je perds pied définitivement. Je hurle « au secours »..... Geneviève me dit qqch pour me secouer et j'essaie de l'écouter mais mon cerveau est déconnecté de la vie réelle.
Je sais que je suis debout, que Patrick me soutien et que je me laisse pendre de ses bras quand du fond de ma douleur je sens une poussée réflexe. La poussée que j'attendais depuis des heures et qui soit-disant serait soulagée si on l'accompagnait. A travers mes cris je parviens à articuler que ça pousse. Geneviève me dit de pousser aussi et j'essaie tant bien que mal. Immédiatement après une autre contraction et cette poussée totalement incontrôlée. Je continue à crier que ça pousse et Geneviève se précipite à mes côtés. Je pousse en même temps mais je n'arrive pas à le faire correctement, j'ai tellement mal. Geneviève me dit d'arrêter, que je suis en train de forcer sur le col. Je regarde alors le sol et je vois des gouttes de sang. J'ai peur et je le dis. J'ai peur de m'être vraiment fait mal et de devoir aller à l'hôpital, d'avoir poussé alors qu'il était trop tôt et d'avoir fait mal au bébé. Je dis que j'ai peur et Geneviève me demande si elle a l'air inquiète.... Ca me rassure un peu et j'obéis quand elle me dit de m'allonger pour pouvoir pousser. Elle me dit de m'allonger sur le côté droit. Je ne comprends pas pourquoi à droite alors qu'on m'a toujours dit de le faire du côté gauche pour que le bébé soit bien oxygéné. Elle me réponds que c'est parce que le bébé a le dos à gauche. Je ne comprends pas pourquoi mais j'obéis tout de même. Patrick est derrière moi et je tiens ses mains je crois.... Je plonge ma tête contre sa poitrine pendant la contraction en criant et en poussant. Geneviève me dit que je dois attraper ma jambe et la bloquer pendant la poussée.
La douleur est insoutenable et j'ai du mal à accepter la sensation de mon corps qui agit tout seul. Je sens la descente du bébé dans mon vagin et Geneviève profite d'un répit de quelques secondes pour me faire toucher la tête qui est à fleur de la vulve. La poche des eaux est toujours intacte. Encore une contraction et je pousse en criant, Geneviève m'aide en perçant la poche et un soulagement immédiat me fait pousser encore plus. Ca y est la tête est passée. La contraction suivante est déjà là et je pousse une dernière fois, tu es là mon bébé. Il est 14h36. Je prends mon bébé sur mon ventre, soulève mon tee shirt et je ne peux empêcher ce cri du coeur : « mon bébé, je t'aime, mon bébé je t'aime... ».... Je m'aperçoit qu'il me fait pipi dessus et j'en profite pour regarder entre ses jambes. C'est merveilleux, c'est une petite fille, enfin je crois.... Patrick fond en larme quand je le dis. Il aura été merveilleux jusqu'au bout. Je répète à nouveau mais avec un léger changement : « je t'aime ma Naïs »... Je ne sais pas à quel moment Geneviève s'est éclipsée pour nous laisser tous les trois mais le moment est merveilleux. Le temps est comme suspendu.... Elle revient ensuite pour clamper le cordon et faire un prélèvement dessus pour connaître le rhésus de notre fille. Comme je saigne pas mal et qu'elle ne veut courir aucun risque elle me demande de pousser pour la délivrance. Je pousse à peine et je le placenta sortir à son tour. Il est entier, aucun problème. Je sens que pas mal de sang s'écoule quand même et je commence à trembler malgré le chauffage d'appoint branché. La tension retombe et me laisse faible dans l'euphorie du moment. Geneviève vérifie que je n'ai pas besoin de point de suture et constate juste une petite déchirure sur le col de l'utérus, rien qui ne nécessite une intervention. Naïs a du mal à téter et Geneviève me demande si elle peut en profiter pour l'examiner et la mesurer et j'accepte. Elle la prends dans ses bras, regarde si tout va bien, la pèse, et la mesure avec l'aide de son papa et tout ça sous mes yeux, sur le bureau où encore deux jours auparavant je scrappais.... Verdict, 50,5 cm pour 3kg370. Un plus petit gabarit que sa grande soeur mais un bébé tout à fait normal. Toutes les angoisses de la grossesse se sont envolées. Elle me rend mon bébé et va dans le salon remplir les papiers. Nous restons à trois à faire connaissance.... Elle revient me propose soit de me laver, soit que j'aille me prendre une douche. J'accepte la douche avec reconnaissance et Patrick est alors contraint de prendre sa fille dans les bras malgré sa crainte de la casser.
Quand je reviens je trouve le lit fait qui m'attend et je m'allonge avec plaisir. Je reprends Naïs dans les bras et elle trouve enfin le sein. Elle tête goulument pendant de longues minutes. Patrick va chercher notre Louane qui découvre sa « tite soeur » avec une grande joie. Elle veut la couvrir de baisers et de câlins. Mes deux filles sur mon lit avec moi, je suis heureuse.... Geneviève s'éclipsera peu après. La vie à 4 commence.
Si je dois faire un bilan de cette expérience je dois d'abord remercier mon mari sans qui je n'aurais jamais pu aller au bout. Nous nous sommes lancé dans l'aventure sans aucune réelle préparation et la violence de l'évènement nous a submergé. Il est resté fort à tout les moments et j'ai pu vraiment m'appuyer sur lui tant physiquement que moralement quand je me suis effondrée. Il ne regrette pas du tout d'avoir accepté cet aad bien qu'il n'imaginait pas une seconde que ça se passerait ainsi, qu'il me découvrirait totalement « nue », débarassée de toute retenue... Il a été vraiment acteur de cette naissance et selon moi, cette expérience l'a grandi. Je dois également remercier Geneviève ma sage femme qui a su nous accompagner sans jamais s'imposer. Elle a toujours su quoi faire et quand le faire de façon instinctive. Elle a été parfaite. Je dois également remercier toutes les femmes qui se battent pour qu 'on puisse mettre nos enfants au monde dans les meilleures conditions et toutes celles dont j'ai lu les récits et qui m'ont convaincues d'accoucher chez moi.
Je suis fière de ce que j'ai fait. Je me sens pleinement femme et capable maintenant d'abattre des montagnes. J'ai également découvert mes limites et accepté d'avoir besoin des autres parfois.
Nine
Témoignage recueilli par VIRGINIE
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